ZERO MANAGEMENT – 8 « Télétravail et management »

ZERO MANAGEMENT – 8 « Télétravail et management »

Il n'est pas possible d'envisager le management moderne sans tenir compte de la véritable révolution du travail qui a été déclenchée par l'apparition du coronavirus et la crise qui en a résulté. Comme dans toutes les crises, la donne à changé et seuls ceux qui s'adapteront à la nouvelle donne vont survivre, au sens économique du terme.

 

source Unsplash

 

Le principal acteur de notre économie c'est le tertiaire, c'est à dire ceux qui travaillent globalement dans les bureaux ou les services (banque, administrations, enseignement), y compris le commerce, la restauration, la santé, les transports, la logistique, la distribution, et le tourisme. En gros le tertiaire représente plus des trois quarts de la population active, 20% pour l’industrie et quelques % pour l'agriculture et la pêche. J'ai volontairement cité certains services, car ils sont différents dans leur modèle économique de ceux qui s'exercent dans des bureaux. Il y a la notion de proximité, de terrain pour le commerce, la santé, les transports, le tourisme… ou pas. La digitalisation de certains secteurs de services a démarré il y a 20 ans et l'on trouve leur équivalent complètement digital, comme pour la banque. Même dans le secteur industriel la robotique prend le pas sur les ressources humaines. Sans oublier que l'agriculture elle-même est de plus en plus assistée par des ordinateurs et des drones, en plus de la mécanisation qui a réduit considérablement le nombre de personnes nécessaires pour produire la même quantité. Il y a également le cas des transports avec l'avènement des véhicules auto-pilot, y compris pour les camions. Ce n'est qu'une question de temps.

La révolution digitale est donc en route depuis deux décennies et est en train de bouleverser notre monde tel que nous l'avons connu. "Data is the new oil". Plus besoin de se déplacer puisque nous sommes sur internet. Le domaine de la santé a été impacté avec la possibilité de télémédecine. L'enseignement aussi avec les classes virtuelles et les TEDx. 

 

Mais tout ceci n'affectait que partiellement, à la marge, notre travail de "burelier"… Et puis le COVID-19 est arrivé. Le confinement a obligé les entreprises à s'adapter. En quelques jours, le télétravail est devenu la norme. Une application a tout changé. On l'appelle une "killer app", "l'application qui tue" comme disent les jeunes, au sens où des millions d'utilisateurs l'adoptent en quelques semaines. De la même manière que Gmail ou Facebook ont consacré les GAFAM sur Internet, Zoom est utilisé massivement en télétravail. C'est cette application qui a permis de constituer le lien social qui manquait avant à quelques télétravailleurs sporadiques. Les compétiteurs des GAFAM, surpris dans un premier temps, ont suivi et rivalisent de fonctionnalités "wanabee zoom". "Je fais comme Zoom". L'idée de cette application est toute simple: mettre en relation vidéo des dizaines de personnes (jusqu'à 49 sur un écran) et jusqu'à 250 par conférence. L'application fonctionne sur n'importe quel ordinateur, smartphone ou tablette et surtout: Elle est ultra simple d'utilisation. Pas besoin de compte, d'authentification, de manœuvres compliquées. On clique sur un lien et on est connecté en vidéo ! Vous avez compris que j'étais un grand fan de Zoom depuis plusieurs années. Leur business model est "freemium": c'est gratuit pour les fonctions de base et on paye pour des fonctions avancées. Zoom existait avant le virus, mais c'est son usage pendant le confinement dans tous les pays qui l'a consacré. A noter qu'il ne provient d'aucune GAFAM (pour ceux qui pensent que tout est dominé par quelques sociétés), mais d'un ancien cadre de Cisco qui travaillait sur Webex et qui est parti créer sa propre société pour faire les améliorations du produit qu'il connaissait bien.

 

Pourquoi toutes ces explications sur Zoom ? Parce que c'est l'application qui a permis le télétravail massif. On est comme au bureau, mais à la maison. Du coup, comment manager des personnes qui ne se rendent plus au bureau ? Entre autres enjeux, celui-ci est de taille, mais il n'est rien comparé à la diminution globale des transports, l'impact sur les restaurants d'entreprises et de quartiers des affaires, sur les déplacements internationaux et surtout sur les velléités de beaucoup de gens de vivre dans un cadre agréable et campagnard plutôt que dans une ville polluée et embouteillée. Des révolutions comme celle-ci il n'y en a pas beaucoup dans l'Histoire. Bref, il va se passer des changements dont le propre est qu'ils sont imprévisibles, mais qu'il faut gérer dans la phase de changement. 

 

Je vais essayer de décrire quelques pistes pour fonctionner dans la nouvelle donne du travail, ce qui s'appliquera à toute profession dont le digital est une option valide à "l'analogique" ou comme on dit dans la distribution "le brick & mortar", l'économie qui nécessite des locaux.

 

Tout d'abord, il faut se rappeler que toute société utilise deux rôles, le contributeur individuel et le manager. Avant ça s’appelait les "ouvriers" et les "patrons", les "seigneurs" et les "serfs", le "chef de village" et la "tribu", etc.

Le manager est celui qui décide et fait faire le travail. Le contributeur individuel est celui qui produit le travail, à savoir un service donné, dans notre cas. 

 

Voyons maintenant l'impact d'être en télétravail pour le contributeur individuel. Il doit produire un dossier, un projet, du code logiciel, des graphiques, effectuer des contacts pour vendre, etc. Il dispose de tout cela à la maison avec un simple ordinateur connecté à internet. Ce profil a utilisé les locaux qu'il avait (salon, chambre) et à ajouté rapidement une imprimante, une webcam, un casque audio. Le tout entre deux obligations familiales et les enfants à qui il faut faire suivre des cours, les écoles étant fermées ou d'accès restreint. Le contributeur de base a donc rendu ses horaires "flex" et en "pointillés" entre deux taches familiales.

 

Le premier impact du télétravail massif a donc été de générer des "horaires asynchrones" entre les membres d'une équipe, un peu comme pour les entreprises internationales qui jonglent avec les fuseaux horaires. N'ayant plus l'obligation de se rendre au bureau, les contributeurs individuels ont adapté leurs horaires en fonction des contraintes familiales. La conséquence très bizarre a été d'augmenter considérablement la "plage horaire" de joignabilité ou de réponse à des emails. Probablement une façon de "donner le change" de cette liberté trouvée que de répondre à un e-mail de son manager à 22 heures. Les horaires fixes, typiques de l'environnement de bureau, le 9h-17h, eux, correspondent à un travail synchrone des équipes puisque l'on a une unité de lieu, y compris pour les mises au point "flash couloir" ou "machine à café"… Sans compter les… réunions. Cette perte du contexte "synchrone" doit modifier notre première approche managériale. Le manager ne doit plus attendre de réponse immédiate à ses e-mails ou au tchat, voire à ses appels téléphoniques. Le contributeur individuel ne doit pas chercher des excuses à sa non réponse pendant plusieurs heures. Le télétravail est asynchrone.

 

Du coup, la communication du manager envers son équipe doit s'adapter. Les communications, beaucoup plus nombreuses qu'avant, sont courtes et simples et surtout il faut être le centre de partage des informations à toute l'équipe, car chaque contributeur est coupé du reste des autres contributeurs. Les vidéos qui sont générées par l'activité vidéo doivent être enregistrées et rendues disponibles en partage. De même pour les échanges en tchat. Un résumé de l'activité sous forme d'une note synthétique sera un avantage.

 

Cela nous amène à trouver un outil de partage d'informations, que l'on appelle communément "travail collaboratif". Les plus connus sont Slack, Trello, Teams, Sharepoint, Github ou Gitlab, Asana et Prezi. Chacun dans leur domaine, ils permettent de stocker toutes les informations d'un projet à un seul endroit et sont déjà massivement utilisés par les sociétés de développement logiciel. Le gros avantage des ces outils est de permettre une mise au courant de tout le groupe, y compris ceux qui rejoignent le projet après son démarrage. Cela permet aussi de documenter le projet au fur et à mesure et d'avoir une lisibilité pour le management de l’état d’avancement. Il est important de comprendre que Zoom ou équivalent ne sont que des outils de communication vidéo et tchat. Il faut les compléter avec un outil collaboratif, sinon la production et les fichiers vont être disséminés dans des séries d'e-mails ou de fichiers partagés.

 

La perte potentielle de la cohésion de l'équipe est également la principale affaire du manager. Comment continuer à assurer le team building à distance ? Le plus efficace est de créer des points d'équipe vidéo sans aucun sujet spécifique au cours de la journée, plusieurs fois par semaine, comme des "discussions machine à café".

 

Pour appréhender et adopter cette révolution il également important de créer une note et de diffuser en tant que manager les "règles du jeu" du télétravail. Pour les contributeurs individuels, il s'agit de créer un blog pour relater son expérience ou bien des articles pour partager. Il est fondamental de partager pour apprendre et s'adapter. Cette révolution numérique est une occasion unique pour nous demander ce qui est efficace et comment nous devons nous adapter.

 

Reste le cas du management intermédiaire, le "middle management", comme les chefs de projet ou les chefs de service, qui se trouvent "comprimés" entre le management décisionnel et les contributeurs individuels. Ils sont garants du respect des procédures et du reporting à l'échelon supérieur. On voit clairement que leur rôle doit évoluer car les "c-level" (le management décisionnel) se rendent compte de la possibilité nouvelle, née de cette nouvelle organisation du travail, d'être directement au fait de tous les projets en temps réel et d'animer des événements vidéo auxquels ils peuvent s'adresser directement à des centaines ou des milliers d'employés directement. Le middle management peut-être alors de devenir des animateurs de ces canaux de communication et de cette cohésion d'équipe au niveau de leur service ou de leur projet.

 

 

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